Masque haida
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Masque anthropomorphe à transformation en cèdre, provenant de l'île de la Reine Charlotte (Haida Gwaii) et datant du 19e siècle.
Quatre images, une notice descriptive, des expositions, une bibliographie, un lien.
Premier numéro de la revue Neuf dirigée par Robert Delpire et publiée en 1950 à Paris.
Premier numéro de la revue Neuf, Revue de la Maison de la Médecine, 6 rue Férou, Paris VIe, dirigée par Robert Delpire. Photographies de Brassaï, Izis, etc., sous enveloppe adressée à André Breton. [catalogue de la vente, 2003]
Note sur les masques à transformation de la côte Pacifique Nord-Ouest
« Dans son bel ouvrage Les Masques (Éditions du Seuil, 1948), M. Georges Buraud a été le premier à dégager le sens profond du besoin qui, en tous temps et en tous lieux, a porté l'homme à dérober son visage derrière une figure modelée à l'apparence d'un animal, à l'image d'un ancêtre ou conçue comme représentative d'un dieu. Il montre comment cet homme, nanti du pouvoir d'observer les émotions que son apparition déchaîne chez autrui sans rien livrer des siennes propres, s'identifie bel et bien avec l'être pour lequel il cherche à se faire passer, comment il participe et fait participer tout son groupe aux forces occultes qui mènent le monde. Au cours des échanges passionnels qui en résultent," toutes les puissances avec lesquelles l'individu entre en rapport sont les forces de son inconscient dont il a peuplé le monde et qui, sous forme de fluides, de présences, de craintes, d'énergies, reviennent vers lui pour le contraindre ou l'exalter. Lui-même et toute sa tribu avec lui (faisceau colossal de forces instinctives) s'enveloppent, comme d'une chrysalide gigantesque, à l'intérieur de laquelle ils restent enfermés, de ce réseau immense d'influences bienfaisantes ou terribles et qui est en réalité sorti d'eux. Ce qui subsiste d'inexpliqué, de fatal, dans le monde, vient se mêler à cette enveloppe vibrante d'instincts que le primitif traîne partout après lui et l'agrandit encore en lui communiquant une profondeur inconnue. "
« Il est bien certain que les masques, tels qu'ils s'offrent au regard des visiteurs dans les musées d'ethnologie, ne sont que très exceptionnellement appréhendés et appréciés sous cet angle. Le public ne leur prête qu'une attention distraite, incapable de s'attacher à autre chose qu'aux singularités extérieures les plus frappantes, - attention toujours empreinte d'une ironique condescendance et des plus vite lassées. Les spécialistes ne leur accordent guère qu'un intérêt de témoignage : ce qui les sollicite est, avant tout, de coordonner de tels témoignages en vue d'établir des dépendances, des filiations, de pourvoir à travers les siècles écoulés l'histoire des migrations humaines de points de repère qui lui font étrangement défaut. Par eux l'accent est mis non point sur l'affectif, mais sur le successif. Il n'est pas jusqu'aux collectionneurs, gens qu'on pourrait supposer vivement réceptifs (au moins au départ) à ce dont les masques, entre autres objets conjuguant la magie et l'art primitif, restent "chargés", qui, de par le milieu d'échanges qu'ils forment, ne se laissent entraîner aux pires déviations, victimes de conventions esthétiques d'origine marchande qui les font tourner sempiternellement autour des mêmes spécimens (objets pahouins, ici par exemple). Des considérations d'ancienneté (toute relative), de "patine", de "fini", de réussite "plastique", de préciosité de la matière (l'or, comme d'ordinaire, au-dessus de tout) viennent s'inscrire en travers de la route de grande aventure mentale que jalonnent les objets primitifs. Cette quête qui devrait pouvoir se mener sans fin de l'un à l'autre, dévoilant les interrogations maîtresses de l'homme dans l'espace et dans la durée, "a priori" il ne saurait en être de plus captivante. Mais je n'en sais pas, pour la plupart de ceux qui s'y adonnent, qui tourne plus court.
« Quitte à contrister nombre de pseudo-amateurs qui font primer sur toute autre les considérations de "haute époque", de vogue et de valeur commerciale bien établie, on peut légitimement soutenir que la culmination des forces instinctives, tendant à leur explosion et à leur épanouissement imaginatif - en définitive ce qui importe - est à chercher ailleurs. Force est d'observer que les objets d'art primitif qui en sont le siège n'ont, en général, pas plus d'un siècle d'existence, qu'ils ne bénéficient encore qu'à une échelle très réduite de la consécration du goût et qu'ils sont pour la plupart construits dans une matière peu précieuse (le bois, sur lequel trop peu de temps a passé pour lui prêter grand prestige). Tels me paraissent être, entre tous, certains objets mélanésiens de l'archipel Bismarck, certains objets indiens de la côte Nord-Ouest de l'Amérique.
« Parmi ces derniers, sans doute une place d'honneur peut-elle être réservée aux masques à transformation, d'origine kwakiutl et haïda.
« Ces masques se caractérisent par la propriété qu'ont certains de leurs éléments de pivoter sur eux-mêmes, de manière à modifier la configuration de l'ensemble et à en renverser, au besoin, la signification. Prosaïquement parlant, il est vrai qu'ils ne font pour cela qu'obéir à une commande de la main humaine, actionnant un dispositif de ficelles. L'effet produit n'en est pas moins saisissant. Le ressort de surprise, qui joue un tel rôle dans la conception artistique moderne, est ici mis à contribution comme nulle part. La vertu de l'objet considéré réside avant tout dans une possibilité de passage brusque d'une apparence à une autre, d'une signification à une autre. Il n'est pas une œuvre statique, si réputée soit-elle, qui, avec celle-ci, puisse supporter la comparaison sous le rapport de la vie (et de l'angoisse).
« C'est ce masque haïda que reproduit la couverture de Neuf, dont le regard extraordinairement dur et fixe peut se recouvrir de paupières turquoises. C'est tel autre susceptible de claquer des mâchoires et dont le clignement des yeux ménage la transition du soleil à la lune. Tel, encore, où l'image extérieure de l'ancêtre irrité s'ouvre sur son image apaisée, flanquée sur les volets latéraux de mains en posture de distribuer les présents. De ces œuvres en France peu connues et même ailleurs fort rares nous présentons ici quelques-uns des plus beaux exemplaires.
« Traiter de l'ornementation de ces masques, à première vue très complexe et spécifique du mode de figuration et d'expression de la côte Nord-Ouest, déborderait le cadre de cette note. Leonhard Adam a souligné les analogies qui existent entre cet art et celui de la Chine archaïque. Claude Lévi-Strauss rapporte ainsi ses conclusions : " Les deux arts procèdent par : (a) stylisation intense ; (b) schématisme, ou symbolisme, qui s'expriment par l'accentuation des traits caractéristiques ou l'addition d'attributs significatifs (ainsi, dans l'art de la côte Nord-Ouest, le castor est signalé par le bâtonnet qu'il tient entre ses pattes) ; (c) représentation du corps par une "image dédoublée" (split representation) ; (d) dislocation des détails arbitrairement isolés de l'ensemble ; (e) représentation d'"un" individu vu de face par "deux" profils ; (f) symétrie très élaborée qui met souvent en jeu des asymétries de détail; (g) transformation illogique des détails en nouveaux éléments (ainsi une patte devient un bec, un motif d'œil est utilisé pour marquer une articulation, ou le contraire) ; (h) enfin représentation plus intellectuelle qu'intuitive, le squelette, ou les organes internes, prenant le pas sur la représentation du corps. "
« Il va sans dire que l'interprétation de la démarche psychologique qui préside à la construction des masques à transformation de Colombie Britannique ne saurait être menée à bien par quiconque croirait pouvoir se passer de ces références. À de plus compétents que moi d'établir quelle part il faut faire dans cette démarche au dualisme particulièrement déchirant qui oppose sous cette latitude l'été et l'hiver, le matriarcat du Nord au patriarcat du Sud (avec indécision marquée au niveau de l'île Vancouver), les catégories sociales, dont l'une recourt à tous les procédés d'intimidation pour maintenir son oppression sur les autres. Certes cette volonté d'intimidation à tout prix, qui prend, en manière d'échange, la forme si paradoxale du "potlatch", s'exprime en art dans le masque à transformation qui doit commencer par faire croire au courroux de l'ancêtre pour donner ensuite à entendre que le tribut des faibles a été agréé. On verra jusqu'où peut s'élever cette prétention dans le "Chant du Chef" publié ci-après. Mais, fonction de ce dualisme même qui affecte à la fois les conditions matérielles et les conditions sociales de la vie, un autre facteur n'est pas ici sans intervenir. La puissance des antagonismes entretient chez les Kwakiutl la conception d'une sorte d'ancêtre. Protée, dont on peut penser que le masque double ou triple est la projection matérielle de la spiritualité multiforme. Ainsi la puissance de l'art qui anime ces masques et le secret de la résonance profonde qu'ils trouvent en nous pourraient-ils tenir à ce que, dans le raccourci lyrique d'une séance d'initiation - du poisson à l'oiseau, de l'oiseau à l'homme - ils embrassent un des plus grands vertiges humains en réalisant le transformisme non plus seulement en pensée mais en action. » (André Breton, Neuf, revue de la Maison de la Médecine, numéro 1, juin 1950.)
André Breton a écrit l'article ci-dessus pour ce numéro. Le manuscrit se trouve dans la collection.
La revue Neuf décrite dans un article « La surprenante imagerie médicale de la revue Neuf » de Laurence Perrigault sur Strenae. [site André Breton, 2016]
Notes bibliographiques | Paris, n°1 de juin 1950. In-4°, couv. illustrée. |
Numéro | 1 |
Date d'édition | 01/06/1950 |
Langues | français |
Dimensions | 27,00 cm |
Éditeur | Robert Delpire éditeur, Paris |
Référence | 8102000 |
Vente Breton 2003 | Lot 1170 |
Mots-clés | masque, objet cérémoniel, photographie, revue |
Catégories | Revues |
Lien permanent | https://www.andrebreton.fr/fr/work/56600100000070 |
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Masque anthropomorphe à transformation en cèdre, provenant de l'île de la Reine Charlotte (Haida Gwaii) et datant du 19e siècle.
Quatre images, une notice descriptive, des expositions, une bibliographie, un lien.
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Masque représentant un visage aux traits naturalistes.
Une image, une notice descriptive.
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Manuscrit d'un article d'André Breton daté du 11 mai 1950 et paru en juin 1950 dans la revue Neuf à propos de l'ouvrage de Georges Buraud, Les Masques.
Trois images, une notice descriptive, une bibliographie.